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Philippe, à bout de ressources, ne trouvait plus d’autre moyen, pour remplir son trésor épuisé, que de falsifier les monnaies du royaume. Il fit peser de lourdes charges sur les trois États, et ces impôts ne contentèrent pas encore les avides ministres, Enguerrand de Marigny, surtout, les poussait sans relâche à établir des tailles et des gabelles[1], malgré les violents murmures du peuple et les signes précurseurs d’une révolution. On ne s’explique pas comment Philippe le Bel, qui expulsa si souvent les juifs de France, pour leur vendre à beaux deniers le droit d’y rentrer, n’a jamais eu, malgré ses expédients, des finances un peu prospères.

L’altération des monnaies fut une mesure déplorable ; les négociants, plutôt que d’échanger leurs marchandises contre cet argent falsifié, désertèrent la France : le peuple s’appauvrit, les impôts ne furent plus payés, et le roi se trouva dans la situation la plus critique. La Flandre, au contraire, florissait grâce à l’industrie et à l’activité de ses habitants. Toutes les nations du monde connu la considéraient alors comme leur seconde patrie et faisaient de notre sol natal l’entrepôt général de leurs richesses. Dans la seule ville de Bruges les affaires d’argent et de marchandises étaient plus nombreuses et plus importantes que dans la France

  1. On sait que les tailles pesaient uniquement sur le menu peuple. La gabelle était l’impôt sur le sel.