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faire de bruit dans la chambre pendant les premiers jours et de n’y laisser pénétrer personne, pas même les domestiques.

— Oh ! non, ne craignez rien, mon père. Je parlerai bien bas à mon faucon, si bas que le chevalier souffrant ne m’entendra pas.

Robert prit Mathilde par la main et l’entraîna hors de la chambre.

Adolphe de Nieuwland avait été transporté et déposé sur un lit, dans une des pièces de l’appartement de Robert. Les deux chirurgiens, qui avaient pansé sa blessure, se tenaient, avec Didier Devos, au chevet de son lit. Il ne donnait aucun signe de vie : son visage était d’une pâleur mortelle et ses yeux fermés.

— Eh bien ! maître Rogaert, demanda Robert à l’un des chirurgiens, que pensez-vous de notre malheureux ami ?

— Rien de bon, répondit le chirurgien, rien de bon, monseigneur. Je ne puis dire encore si nous pouvons espérer. Et, cependant, quelque chose me dit qu’il n’en mourra point.

— La blessure n’est donc pas mortelle ?

— Il faut s’entendre, monseigneur ; elle est mortelle et n’est pas mortelle : la nature est le meilleur des médecins ; elle opère parfois ce que ne peuvent faire ni herbes, ni pierres précieuses[1]. J’ai placé

  1. On faisait grand usage en médecine, jadis, des pierres précieuses ; on leur attribuait une vertu surnaturelle. La