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— Maudissez-moi, reniez-moi, ô mon prince et mon père, s’écria-t-il enfin hors de lui ; mais je vous le jure, jamais je ne courberai le front, jamais je ne ramperai devant un étranger… jamais je n’obéirai à l’ordre qui vient de sortir de votre bouche !

À peine eut-il achevé ce serment, que Robert de Béthune s’effraya de ses propres paroles. Il pâlit et se prit à trembler de tous ses membres ; ses doigts se crispèrent convulsivement dans la paume de ses mains, et l’on entendit grincer les écailles de fer de ses gantelets. Il sentit son courage défaillir et attendit avec une mortelle angoisse un mot de son père, il craignait de voir tomber sur lui la malédiction paternelle.

Tandis que les chevaliers en proie à la plus grande stupéfaction, fixaient leurs regards inquiets sur le comte, celui-ci, par un mouvement spontané, jetant ses bras affaiblis au cou de Robert, s’écria en versant des larmes de joie et d’amour :

— Ô mon noble fils ! mon sang… le sang des comtes de Flandre coule bien dans tes veines !… Ta désobéissance fait mon orgueil. Maintenant je puis mourir ! Embrasse-moi encore, Robert, mon fils bien-aimé ! Ah ! la joie que j’éprouve est une joie céleste.

Une vive émotion s’empara du cœur de tous ceux qui assistaient à cette scène touchante. Ils contemplaient, dans un religieux silence, le père et le fils confondus dans une même étreinte. Le vieux comte laissa enfin son fils se dégager de ses bras, et, se tournant