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— Non ! s’écria derechef Robert ; le Lion de Flandre mord mais ne flatte pas. Dieu seul et vous, mon père, avez vu ma tête se courber. Jamais, non jamais je ne la courberai devant aucun autre homme au monde !

— Mais, Robert, reprit vivement le vieux comte, songe à ton père, à ta sœur, à ta patrie, et tu ne refuseras plus le seul moyen qui puisse nous sauver tous !

Robert, le cœur gonflé de douleur et de colère, froissait convulsivement la garde de son épée

— Que me demandez-vous, ô monseigneur et mon père ? Vous voulez donc que le roi de France, du haut de sa grandeur, jette sur moi un regard de dédain ? Ah ! cette pensée seule me ferait mourir de honte ! Non, non, jamais ! Ni vos ordres, ni vos prières ne m’y forceront ! Je ne partirai point !

Des larmes coulèrent à ces mots sur les joues amaigries du vieux comte. Une expression étrange se peignit sur sa physionomie, et les spectateurs de cette scène doutèrent un instant du sentiment qui animait son cœur. Était-ce joie ou tristesse ? Cependant le sourire empreint sur son visage semblait annoncer le bonheur.

Robert était debout, immobile, touché en voyant couler les larmes de son père : il ressentait au fond de l’âme toutes les souffrances du martyre, toutes les peines de l’enfer ; mais son exaltation grandit encore à ce spectacle.