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— Mes fidèles sujets, mes amis, vous m’avez prouvé aujourd’hui ce que peut un peuple de héros. Je porte maintenant ma modeste couronne avec plus d’orgueil que Philippe le Bel celle du royaume de France ; car je puis, à bon droit, m’enorgueillir de vous.

Puis, il s’approcha d’Adolphe, lui prit la main et le regarda longtemps sans parler ; sous chaque paupière du Lion de Flandre brillait une larme qui grossit peu à peu et finit par tomber comme une perle sur le sol. Depuis quelque temps déjà, Mathilde était agenouillée au chevet d’Adolphe ; elle avait repris des mains du jeune homme son voile vert maintenant souillé et ensanglanté, et c’était avec ce gage de son affection pour son bien-aimé qu’elle étanchait les larmes qui remplissaient ses yeux. Elle ne prononçait pas une parole, elle ne regardait même pas Adolphe ; car elle avait couvert son visage de ses deux mains et sanglotait immobile et abîmée dans une profonde et inexprimable douleur.

Le prêtre, immobile aussi, considérait attentive ment le chevalier blessé ; on eût dit qu’un changement extraordinaire apparaissait sur les traits de celui-ci et que la vie se réveillait en lui. Et, en effet, ses yeux prirent plus d’éclat et sa physionomie perdit par degrés les signes précurseurs d’une mort prochaine. Bientôt il leva vers Robert un regard affectueux et dit d’une voix lente et pénible :

— Ô monseigneur et comte, quelle douce conso-