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partie du champ de bataille ; déjà on avait emporté les corps des nobles seigneurs Salomon de Sevecote, Philippe de Hofstade, Eustache Sporkyn, Jean de Severen, Pierre de Bruges, et l’on était occupé à ôter la cuirasse de Jean, sire de Machelen, qui n’était que blessé. On approchait de l’endroit où la lutte avait été le plus opiniâtre, car d’énormes monceaux de cadavres sanglants entouraient de toutes parts les explorateurs. Pendant qu’on était en train de soulager le sire de Machelen, un soupir étouffé, qui semblait sortir de terre, se fit entendre tout à coup ; tous prêtèrent l’oreille, mais sans rien découvrir ; pas un des corps qui gisaient sur le sol ne donnait le moindre signe de vie. En déplaçant les cadavres pour rechercher celui qui venait de se plaindre, les Gantois entendirent un nouveau gémissement et s’aperçurent qu’il sortait d’un amas de chevaux abattus qui se trouvaient un peu plus loin. Tous se mirent à l’œuvre sur-le-champ, et, après de longs efforts, traînèrent les cadavres de chevaux sur le côté, et découvrirent le chevalier mourant.

Il était étendu sur le dos ; le sang découlait sous lui comme une source et se dirigeait, en serpentant, vers le ruisseau de Groningue. Des bras et des jambes mutilés étaient semés autour de lui ; sa cuirasse avait été aplatie sous le poids d’un cheval ; de la main droite il tenait encore son épée, et, de la main gauche, un voile vert ; ses joues étaient pâles et blêmes et