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ces troupes fraîches nous ramènerez-vous la victoire.

Guy de Saint-Pol ne voulut pas entendre parler de combattre, la peur s’étant emparée de lui. Il répondit :

— Messire Lebrun, je sais ce que j’ai à faire. Je ne laisserai pas tomber le bagage de l’armée entre les mains de l’ennemi ; mieux vaut que je ramène en France les hommes qui nous restent que de les exposer à une mort certaine et inutile.

— Et abandonnerez-vous, en les livrant à l’ennemi, ceux qui ont encore le glaive au poing ? Oh ! c’est là une traîtreuse conduite ! Si je survis à aujourd’hui, je vous accuserai devant le roi de lâche félonie.

— La prudence m’ordonne la retraite, messire Lebrun. Je partirai, quoi que vous puissiez dire, car vos conseils sont inspirés par une exaltation qui vous aveugle ; vous êtes trop irrité.

— Et vous avez trop peur ! Mais qu’il en soit ainsi puisque vous le voulez : pour vous montrer néanmoins que j’agis avec plus de prudence que vous, je vais marcher en avant avec un détachement pour couvrir la retraite et la faciliter. Partez, je retiendrai l’ennemi[1].

  1. En apprenant la mort du comte d’Artois, les chevaliers français voulurent le venger ou ne pas lui survivre ; ils recommencèrent la lutte avec un nouvel acharnement. L’un d’eux, nommé Pierre Lebrun, s’efforça de faire marcher au combat Guy de Saint-Pol qui commandait l’arrière-garde, mais ce fut en vain qu’il lui reprocha sa lâcheté. (Voisin.)