Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prochant les cruelles persécutions qu’il leur avait fait subir.

Sur ces entrefaites, Arnould d’Audenaerde était accouru au secours de l’aile gauche, ce qui changea complétement la situation : le métier de Furnes se lança de nouveau en avant avec ce renfort inattendu, et les Français furent repoussés en désordre. Chevaux et cavaliers tombaient en si grand nombre, et il y avait un tel désarroi dans les rangs de l’ennemi, que les Flamands, croyant la bataille gagnée, ne purent s’empêcher de crier sur toute la ligne :

— Victoire ! victoire ! Flandre au Lion !

Quiconque eût pu, en ce moment, voir les bouchers, sans être exposé à leurs coups, eût reculé d’épouvante et d’horreur. Poitrine nue, bras nus, la hache ensanglantée, on les voyait s’élancer au-dessus des cadavres d’hommes et de chevaux, frappant de toutes parts, tout couverts de sang, les cheveux épars, le visage rendu méconnaissable par la boue, la sueur et le sang ; et, au milieu de toutes ces horreurs, un affreux sourire contractait leurs traits, sourire où se reflétaient à la fois la haine mortelle de l’étranger et les joies féroces de la lutte.

Les Français qui, dans leur présomption, avaient parlé des Flamands comme s’ils eussent dû les écraser du premier coup, éprouvèrent, à leur grand dommage, qu’une vaine forfanterie est de peu de secours sur un champ de bataille. Ils déploraient les suites de leur imprudente témérité, et voyaient, en