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allaient où bon leur semblait et où leur intervention pouvait être nécessaire ; les onze cents cavaliers namurois étaient placés en arrière de la ligne de bataille, car on ne voulait pas recourir à eux de prime-abord, pour qu’ils ne jetassent pas le désordre dans l’infanterie.

L’armée française commença enfin à se mettre en bataille à son tour. Mille trompettes firent entendre en même temps leurs sons éclatants, les chevaux hennirent, les armes s’entre-choquèrent, si bien que les Flamands ne purent se défendre d’un frisson glacial à l’approche du danger qui les menaçait. Quelle innombrable multitude d’ennemis allaient s’élancer sur eux ! Pour ces hommes courageux et résolus, ce n’était rien ; ils allaient mourir, ils le savaient ; mais que deviendraient leurs femmes et leurs enfants délaissés, sans appui ? Oh ! en ce moment solennel, tous songeaient à ce qu’ils aimaient le plus sur la terre. Le père souffrait au fond du cœur de voir ses fils exposés à devenir esclaves de l’étranger ; le fils soupirait en pensant à son vieux père qui allait avoir à supporter seul le joug de la tyrannie. Deux passions les dominaient : l’intrépidité qui les poussait au combat et l’anxiété que leur inspiraient les conséquences de la lutte qui allait s’engager. Or, quand deux passions se confondent en présence d’un danger imminent, elles se transforment en une sorte de rage désespérée. C’est ce qui arriva chez les Flamands ; leurs yeux étaient fixes et immobiles, leurs