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cette mesure que l’âme peut pousser le corps à affronter sa propre destruction. Les seigneurs flamands ne craignaient pas pour eux-mêmes ; mais la patrie, la liberté dont on allait aventurer les destinées dans une lutte aussi inégale, voilà ce qui leur inspirait des pressentiments pleins d’anxiété. Malgré le peu d’espoir qu’ils pouvaient nourrir, ils résolurent d’accepter la lutte et de mourir plutôt en héros sur le champ de bataille que de faire une lâche et déshonorante soumission.

La comtesse Mathilde, la sœur d’Adolphe, et un grand nombre d’autres dames notables, furent envoyées à l’abbaye de Groningue, afin qu’elles y trouvassent un asile sûr, si l’ennemi venait à s’emparer de Courtray. Toutes ces mesures et d’autres encore étant prises, les chevaliers se rendirent ensemble au camp.

Le comte d’Artois était, à la vérité, un guerrier brave et expérimenté, mais il était trop téméraire ; il jugeait la prudence inutile et s’imaginait passer sur le corps, au premier choc, à l’armée flamande. Cette hautaine opinion, dictée par l’orgueil national, se retrouvait dans les cœurs de ses hommes, à ce point que, tandis que l’armée de Guy se préparait dans l’ombre à la bataille, l’armée française reposait aussi tranquillement que si elle se fût trouvée dans une ville amie. Confiants dans leur innombrable cavalerie, ils étaient convaincus que rien ne pouvait leur résister. S’ils n’eussent été aussi imprudents et aussi