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Écoutez, messires, si je n’ai pas raison ; ce matin je suis sorti du camp de très-bonne heure, et j’ai trouvé partout les traces des plus affreuses dévastations. Les églises sont incendiées, les autels dépouillés et profanés, des monceaux de cadavres de femmes et d’enfants gisent dans les champs, livrés en proie aux corbeaux. Est-ce là une loyale façon de faire la guerre, je vous le demande ?

À ces mots, il se leva de table, et, soulevant la portière de la tente, il reprit en montrant la campagne :

— Voyez, messires ! regardez ! dans toutes les directions vos yeux rencontreront les flammes de la destruction ; le ciel est obscurci par la fumée ; voilà là-bas tout un village en feu. Qu’est-ce qu’une guerre semblable ? C’est pire que si les barbares Normands étaient revenus transformer le monde en un repaire d’assassins !

Robert d’Artois, rouge de colère, s’agita sur son siége avec impatience et s’écria :

— Cela a duré trop longtemps. Je ne souffrirai pas qu’on parle ainsi en ma présence ; je sais ce que j’ai à faire. Il faut que la Flandre soit purifiée, je n’y puis rien. Ce sujet de conversation me déplaît souverainement, et je prie messire le connétable de ne plus s’exprimer comme il vient de le faire. Qu’il garde son épée pure de toute souillure, nous saurons en faire autant : aussi bien les faits et gestes de nos soudards ne peuvent-ils entacher notre honneur.