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— Connétable de Nesle, répliqua vivement le comte d’Artois, je sais que vous portez aux Flamands une excessive sympathie ; cette sympathie vous fait honneur, en vérité ! C’est sans doute votre fille qui vous inspire d’aussi louables sentiments[1] ?

— Monseigneur d’Artois, répondit Rodolphe, quoique ma fille habite la Flandre, ne me défendez pas d’être aussi bon Français que qui que ce soit ; mon épée l’a suffisamment prouvé en mainte occasion, et j’ai lieu de croire que ces honorables chevaliers ne ratifieront pas vos ironiques paroles. Mais ce qui me pèse davantage sur le cœur, c’est l’honneur même de la chevalerie, et je vous assure que cet honneur est en grand péril.

— Que signifie cela ? s’écria le comte d’Artois ; ne dirait-on pas que vous voulez justifier ces rebelles ? N’ont-ils pas mérité la mort en égorgeant sept mille Français, sans leur faire ni grâce ni merci ?

— Sans aucun doute, ils ont mérité la mort, aussi vengerai-je, autant que possible, l’outrage fait à la couronne de mon roi ; mais je ne le ferai que sur ceux que je trouverai les armes à la main. J’en appelle à tous les chevaliers ici présents, et je leur demande s’il convient que notre épée fasse office de bourreau et mette à mort des gens désarmés, au moment où ils sont à labourer leurs champs ?

  1. Adèle, fille de Raoul de Nesle, avait épousé Guillaume de Termonde, l’un des fils du vieux comte de Flandre.