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pareil ; car messire Jean ressemble à un Gantois comme un taureau à un agneau.

Les bouchers éclatèrent de rire de nouveau.

— Et je ne sais, poursuivit Breydel, pourquoi monseigneur Guy souhaite leur venue ; n’y a-t-il pas déjà trop grande disette au camp pour appeler ici de nouveaux mangeurs ? Monseigneur Guy croit-il que nous soyions hommes à perdre la partie ? On voit bien qu’il habite Namur : il ne connaît pas les Brugeois, sans cela il ne désirerait pas la venue des Gantois. Nous n’avons pas besoin d’eux, qu’ils restent où ils sont : nous ferons bien nos affaires sans eux, — et puis ce sont des gens qui hésitent toujours.

En vrai Brugeois, Breydel n’aimait pas les Gantois. Depuis leur fondation, les deux principales villes de la Flandre avaient toujours été en querelle, non pas que l’une d’elles possédât des citoyens plus courageux et plus dévoués, mais parce que toutes deux, vivant de l’industrie, s’efforçaient mutuellement de s’enlever le commerce et de l’accaparer chacune pour leur compte exclusivement. Aujourd’hui cette haine persiste encore entre les habitants de Gand et de Bruges ; il est si difficile d’enlever à un peuple ses sentiments héréditaires que la vieille envie que se portent les deux cités a persévéré jusqu’à nos jours.

Ainsi discourait Breydel avec ses compagnons ; plus d’une injure fut proférée à l’adresse des Gantois, jusqu’à ce que, ce thème étant épuisé, on fit tomber