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grand nombre, et mainte voix isolée leur adressait des épithètes méprisantes dont il était difficile de mesurer la portée.

Le soir, alors que le soleil avait disparu depuis une heure derrière le village de Moorsele, tous les ouvriers étaient rentrés dans leurs tentes. On entendait çà et là une chanson suivie du choc des hanaps et dont de nombreuses voix répétaient le refrain ; dans d’autres tentes il y avait des conversations animées et confuses dans lesquelles le cri : « Flandre au Lion ! » permettait de supposer que les interlocuteurs s’excitaient mutuellement à combattre vaillamment quand l’heure de la lutte serait venue, et se communiquaient librement leurs sentiments. Au centre du camp, à une certaine distance des tentes, flamboyait un grand feu qui illuminait les alentours de ses rouges lueurs. Une dizaine d’hommes étaient chargés de l’entretenir ; on les voyait arriver tour à tour, traînant de grandes branches, et l’on entendait par intervalles la voix d’un chef s’écrier :

— Attention ! prenez garde ! ne remuez pas le foyer ainsi ; ne chassez pas d’étincelles sur le camp !

À quelques pas du foyer se trouvait la tente de la garde du camp ; c’était un toit recouvert de peaux de bœufs, et dont la charpente reposait sur huit grosses poutres : les quatres faces en étaient ouvertes de sorte qu’on pouvait surveiller le camp dans toutes les directions.

Jean Breydel devait veiller cette nuit-là avec cin-