Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les métiers étaient, depuis peu d’instants, rangés en longues files sur le marché du Vendredi ; Breydel avait rempli sa promesse ; il comptait douze mille compagnons de tous métiers sous ses ordres. Les haches des bouchers scintillaient au soleil comme des miroirs et aveuglaient le regard, car on ne fixait pas impunément les yeux sur cet ardent rayonnement. Au-dessus du corps des tisserands s’élevaient deux mille goedendags garnis de leurs formidables pointes de far ; en avant d’eux se trouvait une troupe armée d’arbalètes. Guy était au centre de la place, entouré d’une vingtaine de nobles chevaliers. ; il attendait le retour des compagnons qu’on avait chargés d’aller chercher les chariots et les chevaux qui se trouvaient dans la ville. Un tisserand, envoyé par de Coninck au beffroi, apparut en ce moment sur le marché avec la grande bannière de Bruges. Dès que les gens des métiers aperçurent le lion d’azur, des acclamations inouïes, des cris enthousiastes s’élevèrent de toutes parts ; c’était la clameur incessamment répétée qui, dans la nuit sanglante, avait été le signal de la vengeance.

— Flandre au Lion ! mort à l’étranger !

Et les armes s’agitaient et se heurtaient comme si l’ennemi eût déjà été en présence.

Lorsque les bagages furent chargés sur les chariots, les trompettes firent retentir leurs sons éclatants, et les Brugeois quittèrent leur ville, bannière déployée, par la porte de Gand. Quand les femmes