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— Non, non, noble Guy, je l’ai vue de mes propres yeux, et j’ai soupé hier soir dans la tente du sénéchal Robert d’Artois. Il a juré sur son honneur, en ma présence, que le dernier des Flamands mourrait de sa main. Avisez maintenant à ce que vous pouvez faire. Quant à moi, je vais endosser la cuirasse au plus tôt ; et, dussé-je être seul à combattre ces soixante-deux mille étrangers maudits, je ne reculerai pas d’un pas ; je ne veux plus revoir le pays de Flandre en servitude.

Jean Breydel ne pouvait demeurer un instant immobile ; il trépignait, et agitait les bras avec fureur.

Ah ! s’il eût pu parler ! mais le respect l’arrêtait en présence des nobles seigneurs qui se trouvaient devant lui. Guy et les autres chevaliers s’entreregardaient avec le découragement du désespoir : trente-deux mille cavaliers expérimentés ! c’était trop pour qu’ils crussent à la possibilité de la résistance. L’armée flamande ne comptait que cinq mille hommes de cavalerie, que Guy avait amenés avec lui de Namur. Que pouvait ce petit nombre contre l’effrayante multitude des ennemis ?

— Que faire ? dit Guy, comment sauver la patrie ?

Quelques-uns furent d’avis de s’enfermer dans Bruges jusqu’à ce que le manque de vivres forçât l’armée française à battre en retraite ; d’autres voulaient marcher droit à l’ennemi et le surprendre pendant la nuit. Beaucoup d’autres moyens encore furent proposés, mais la plupart furent rejetés comme