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blées. Elles se regardèrent longtemps avec une indicible tristesse ; mais les larmes qu’elles versaient soulagèrent peu à peu leur douleur, et l’espérance rentra insensiblement, dans leur cœur soulagé. Marie qui était plus âgée et plus forte contre la douleur que Mathilde, sortit la première de sa sombre préoccupation et dit :

— Pourquoi, madame la comtesse, nous laisser aller à la douleur à propos de rêves mensongers ? rien ne confirme le triste pressentiment qui nous désole ; je suis sûre qu’il n’est pas advenu malheur à monseigneur Robert, votre père, et que mon frère est déjà en chemin pour revenir dans le pays.

— Et vous avez pleuré, Marie ? Pleure-t-on quand on attend le retour d’un frère ?

— Vous vous créez vous-même des tourments, madame. Il faut que la douleur ait jeté dans votre cœur de profondes racines pour que vous embrassiez avec tant d’ardeur les sinistres prévisions qui vous attristent ! Croyez-moi, votre père vit, et peut-être sa délivrance est-elle proche. Songez donc à la joie qui vous transportera quand sa voix, cette même voix qui vous appelle si tristement dans vos rêves, vous dira : — Mes chaînes sont brisées ! Quand ses lèvres déposeront un baiser plein de tendresse sur votre front et que sa douce étreinte ramènera les roses de la jeunesse sur vos joues pâlies par le chagrin. Le beau manoir de Wynendael vous verra rentrer dans ses murs ; monseigneur de Béthune