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Pour la quatrième fois, le soleil élevait son disque éclatant sur Bruges affranchie ; Mathilde était seule dans la chambre qu’elle avait jadis habitée dans la demeure d’Adolphe de Nieuwland. Le fidèle oiseau, le faucon bien-aimé, n’était plus avec elle ; il était mort. La souffrance et le découragement se peignaient sur les traits pâles et abattus de la jeune fille, son regard était morne et voilé, ses joues amaigries, tout en elle annonçait que le ver des douleurs rongeait son âme.

Ceux qui ont été longtemps en proie à d’amers chagrins se complaisent dans de sombres rêveries, et, comme si la réalité ne les torturait pas assez, ils se créent des fantômes qui attristent encore davantage ; ainsi faisait l’infortunée Mathilde. Elle s’imaginait que le secret de la mise en liberté de son père était découvert, elle voyait l’assassin, soudoyé par la reine Jeanne, mêler le poison à la nourriture de son père ; — un frisson d’épouvante parcourait son corps, et des larmes d’anxiété remplissaient ses yeux. Adolphe était mort pour elle ; il avait payé de sa vie son amour et son dévouement. Ces scènes déchirantes s’évanouissaient pour reparaître bientôt et faisaient souffrir le plus affreux martyre à la pauvre jeune fille.

Au moment dont nous parlons, son amie Marie entrait dans la chambre. Le sourire qui apparut sur les joues pâles de l’infortunée comtesse ressemblait au sourire qui apparaît, après une mort douloureuse,