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et noble qu’en soit le motif. On eût dit que le nouveau gouvernement de Bruges s’était déjà consolidé par de longues années.

Immédiatement après la délivrance, et pendant que le peuple buvait dans toutes les rues le vin de l’allégresse, de Coninck avait envoyé un messager à l’armée de Damme pour rappeler en ville les autres gens des métiers avec les femmes et les enfants. Mathilde était arrivée avec eux, et l’on avait offert à la jeune comtesse une magnifique habitation dans le Prinsenhof, mais elle préféra la maison de Nieuwland, cette demeure où elle avait passé tant d’heures de tristesse, et à laquelle se rattachaient tous ses rêves. Elle y retrouva, dans l’excellente sœur d’Adolphe, une tendre amie dans le sein de laquelle elle pouvait épancher l’amour et les inquiétudes qui remplissaient son cœur oppressé. Il est si doux, quand une mortelle tristesse pèse sur nous, de trouver quelqu’un auquel sa douleur fait comprendre la nôtre, quelqu’un qui aime ce que nous aimons, et dont les plaintes sont les échos de nos plaintes : ainsi deux jeunes vignes s’étreignent mutuellement et bravent ensemble l’ouragan qui allait briser leurs tiges sans soutien. Pour nous, les chagrins et la douleur sont l’ouragan dont l’haleine glacée ôte à notre âme la force et la vie et courbe avant l’âge notre front vers la tombe, — comme si les années marquées par l’adversité comptaient double dans la vie de l’homme.