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sur lui. Nul n’osait rien faire sans lui, ses conseils étaient des ordres en toute chose ; et, sans qu’il commandât jamais, sa pensée était la règle unique de la république, — tant est grande l’autorité du génie.

L’armée française était anéantie, mais on pouvait s’attendre à ce que Philippe enverrait sans nul doute, en Flandre, des forces nouvelles et plus considérables pour venger l’injure qui lui avait été faite. La plupart des citoyens songeaient peu à cette terrible certitude ; la joie d’être libres leur suffisait ; mais de Coninck ne partageait pas l’allégresse générale : il avait déjà oublié le présent pour conjurer les périls futurs. Il n’ignorait pas que l’enthousiasme et le courage populaire s’arrêtent en présence du danger ; aussi fit-il tous ses efforts pour faire régner dans la ville la constante préoccupation de la guerre. On donna à chaque compagnon de métier un goedendag ou une autre arme, et les compagnies furent reconstituées de nouveau avec l’ordre de se tenir toujours prêtes à marcher au combat : le métier des maçons se mit à réparer les fortifications, et, dans tous les ateliers des forgerons, il était défendu de faire autre chose que des armes pour la commune. L’impôt fut rétabli sur l’ancien pied, et les charges des habitants de la ville diminuées. Grâce à ces sages mesures, de Coninck fit converger toutes les pensées, tous les efforts vers un même but, et préserva sa ville natale des maux nombreux qu’entraîne toujours une grande révolution, quelque généreux