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Les bouchers avaient poursuivi les fugitifs jusque près de la porte ; lorsqu’ils virent leurs deux ennemis jurés disparaître au loin au milieu des arbres, ils furent transportés de rage et de dépit : la vengeance leur semblait incomplète. Ils semblaient pétrifiés ; enfin, après avoir fixé opiniâtrement les yeux pendant quelque temps sur l’endroit où Châtillon avait disparu, ils quittèrent le rempart et se dirigèrent, tout mécontents, vers le marché du Vendredi. Tout à coup, un autre bruit vint éveiller leur attention : du centre de la ville s’élevaient une foule de voix confuses qui, par intervalles, remplissaient l’air de longues et bruyantes acclamations, comme si un prince eût fait sa joyeuse entrée. Les bouchers ne pouvaient rien comprendre à ces cris de triomphe et d’allégresse : les voix étaient encore trop éloignées. Peu à peu, la foule enthousiaste se rapprocha, et bientôt les acclamations devinrent intelligibles. On criait :

— Vive le Lion ! Vive notre doyen ! La Flandre est libre ! Vivat ! vivat !

Une foule immense d’habitants de Bruges se pressaient dans la rue comme un torrent. Les acclamations des Flamands, qui venaient de reconquérir leur liberté, allaient frapper les façades des maisons et planaient comme le grondement du tonnerre au-dessus de la ville ; les femmes et les enfants couraient au milieu des gens des métiers armés, et de joyeux battements de mains s’unissaient aux cris incessants :