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couchés, et cherchaient les corps des Flamands qui avaient péri, pour leur donner la sépulture.

Bien qu’ils parussent en proie à une vive irritation, pas une injure ne sortait des lèvres des bouchers. Selon la parole donnée, la demeure du sire de Mortenay était sacrée pour eux ; ils ne voulaient pas violer la promesse faite par de Coninck ; et puis ils avaient trop d’estime pour le gouverneur de la ville, et c’est pourquoi ils se contentaient d’occuper et de surveiller le quartier.

Messire de Châtillon et Jean de Gistel, le léliard, s’étaient réfugiés dans la maison de messire de Mortenay ; ils étaient en proie à la plus vive inquiétude, car ils avaient en perspective une mort inévitable. De Châtillon était un vaillant chevalier, et il attendait avec sang-froid le sort qui lui était réservé ; Jean de Gistel, au contraire, était pâle et tremblant. Malgré la violence qu’il se faisait, il ne pouvait dissimuler son anxiété, et éveillait la pitié des Français présents, et même du sire de Châtillon, qui courait le même danger. Ces seigneurs étaient réunis dans une salle de l’étage et qui donnait sur la rue : de temps en temps ils s’approchaient de la fenêtre et jetaient un regard d’horreur sur les bouchers, qui se trouvaient aux aguets devant la porte, semblables à une bande de loups qui attendent leur proie. Jean de Gistel étant aussi allé à la fenêtre, Jean Breydel l’avait aperçu et l’avait menacé de sa hache. Un mouvement soudain et unanime s’était fait parmi les