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dans l’espoir de pouvoir ainsi s’échapper par quelque porte, mais ils n’y réussirent pas, parce qu’on leur intimait l’ordre de prononcer les mots : Schild en vriend ! De tous les quartiers de la ville s’élevaient les cris : « Flandre au Lion ! à mort ! à mort ! » Çà et là un étranger s’enfuyait, poursuivi par un klauwaert ; mais il rencontrait bientôt un autre ennemi, et tombait à quelques pas plus loin.

L’œuvre de vengeance dura jusqu’à ce que le soleil s’éleva au-dessus de l’horizon, et, éclairant cinq mille cadavres, vint sécher le sang répandu. Cinq mille étrangers furent sacrifiés, durant cette nuit, aux mânes des Flamands mis à mort : c’est une sanglante page des chroniques de Flandre, où ce chiffre terrible est soigneusement enregistré[1].

Devant la demeure de messire de Mortenay se passait une scène étrange et terrible. Un millier de bouchers étaient étendus sur le pavé, la hache à la main, et les yeux pleins de menace et de vengeance fixés sur la porte. Leurs bras nus et leurs pourpoints étaient couverts de sang, et, au milieu d’eux, gisaient des cadavres étendus comme eux sur le sol. Quelques compagnons, appartenant à d’autres métiers, passaient de temps en temps au-dessus des bouchers

  1. Ce vendredi-là, plus de cinq mille Français furent mis à mort à Bruges, et, le lendemain, plus de deux mille autres, furent aussi massacrés à Gand : cela arriva en l’an de Notre-Seigneur, 1302. (L’Excellente Chronique.)