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avec lui dans la boutique où régnait la plus profonde obscurité. Puis il dit à voix basse :

— Gérard, lorsque j’ai quitté la ville, je t’ai fait rester ici avec trente autres compagnons, afin que tu puisses découvrir les projets et les crimes de l’ennemi. Je t’ai choisi pour cette mission, parce que ton courage et ton sincère dévouement à la patrie me sont connus. Peut-être le spectacle de la mort de tes camarades a-t-il jeté l’effroi dans ton cœur ; s’il en est ainsi, je consens à ce que tu partes aujourd’hui même pour Ardenburg.

— Maître, répondit Gérard, vos paroles m’attristent, car je ne crains nullement la mort ; mais ma femme, mes pauvres enfants sont exposés ici à tous les malheurs. Ils sont malades de terreur et d’inquiétude ; ils passent la journée entière à pleurer et à prier, et la nuit ne leur rend pas de forces : si vous voyiez comme ils sont pâles ! Et, à la vue de toutes ces souffrances, de toutes ces angoisses, je ne mêlerais pas mes larmes aux leurs ? Ne suis-je pas leur père et leur protecteur naturel ? et n’est-ce pas de moi seul qu’ils implorent des consolations que je ne puis leur donner ? Ô maître, croyez-moi, un père souffre plus que sa femme et ses enfants ne peuvent souffrir ; cependant je suis prêt à tout oublier pour la patrie, tout, jusqu’à mon sang ; et, si vous pouvez m’employer en quelque occasion, vous pouvez compter sur moi. Parlez donc, car je sens que vous avez à me donner des ordres importants.