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ser dans les tentes et leur annonça qu’il fallait partir le lendemain avant le lever du jour. Après avoir pris quelques autres mesures pour que les femmes et les enfants restassent au camp, il se rendit à la tente où reposait le corps de sa mère. En y arrivant, il congédia les femmes qui s’y trouvaient, et ferma soigneusement la porte.

Plusieurs chefs se présentèrent à la tente du doyen pour lui demander des instructions ou des ordres ; mais, quelque fort qu’ils frappassent, ils ne recevaient pas de réponse. Ils respectèrent d’abord la douleur dans laquelle leur commandant était sans doute abîmé en ce moment ; mais, lorsque quatre heures déjà se furent écoulées sans que le moindre bruit se fût fait entendre dans la tente funèbre, ils furent saisis d’inquiétude, et n’osaient exprimer leurs pensées : Breydel était-il mort ? La hache ou la douleur avait-elle mis fin à sa vie ?

Tout à coup la porte s’ouvrit, et Breydel se montra devant eux, sans paraître s’apercevoir de leur présence. Personne ne parla, car les traits du doyen avaient une expression qui glaçait le cœur et ôtait la parole. Il était d’une pâleur livide, ses yeux se promenaient autour de lui avec égarement, et de nombreux témoins remarquèrent que deux doigts de sa main droite étaient tachés de sang. Personne n’osait l’approcher ; — ses yeux lançaient la mort, et chacun de ses regards pénétrait comme une flèche dans l’âme de ceux qui l’entouraient.