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hommes, dès qu’ils auraient la conscience de leur force, deviendraient trop orgueilleux, comme les géants qui, dans l’antiquité, voulurent escalader le ciel…

Il allait poursuivre son discours, mais une sentinelle armée de l’épée et du bouclier accourait hors d’haleine et dit à Breydel, son doyen :

— Maître, mes camarades du camp m’envoient vous dire qu’on voit, en avant de la porte de la ville de Bruges, un épais nuage de poussière s’élever et qu’un bruit sourd, semblable à celui d’une armée en marche, se fait entendre, comme venant de la ville et s’avançant vers notre campement.

— Aux armes ! aux armes ! s’écria Breydel avec une telle force que tous l’entendirent. Chacun à son corps ! hâtez-vous !

Les ouvriers saisirent vivement leurs armes et accoururent pêle-mêle et en désordre, mais cela ne dura qu’un instant : les corps se formèrent tout à coup, et bientôt les compagnons se trouvaient immobiles, en rangs serrés. Breydel plaça cinq cents hommes d’élite autour de la tente de Mathilde qui s’était hâtée de rentrer dans son asile. On amena devant la tente un chariot, quelques bons chevaux et l’on prépara tout pour la fuite. Alors Breydel sortit précipitamment du bois avec le reste de ses hommes et rangea ceux-ci en bataille pour recevoir l’ennemi.

On s’aperçut bientôt qu’on s’était trompé, car la foule qui soulevait la poussière de la route s’en-