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feux dessinaient, par leur fumée, les lignes régulières du camp ; cependant on apercevait encore peu de monde autour des tentes, il y avait passablement de femmes et d’enfants, mais il était rare qu’on aperçût un homme, et encore était-ce une sentinelle. À quelque distance du camp, derrière les arbres qui étendaient leurs branches au-dessus des tentes, se trouvait une clairière dépourvue de végétation, et où l’on n’apercevait aucune tente. Mille voix s’y confondaient dans un bourdonnement dont la monotonie était dominée de temps en temps par le retentissement de coups réguliers. L’enclume gémissait sous le marteau des forgerons, et les plus grands arbres tombaient avec fracas sous la hache des bouchers. On arrondissait, on égalisait de longues pièces de bois, et on les garnissait d’une pointe de fer. Déjà de grands tas de goedendags ou de piques de ce genre étaient amassés sur la plaine. D’autres compagnons tressaient des branches de saule en boucliers, qu’ils livraient ensuite au métier des corroyeurs qui avaient pour mission de les couvrir de peau de bœuf. Les charpentiers construisaient toutes sortes de machines de siége, et particulièrement des balistes, des catapultes et d’autres machines à projectiles.

Jean Breydel courait çà et là en prodiguant les encouragements à ses compagnons ; souvent lui-même prenait la hache des mains d’un de ses bouchers, et, à leur profond étonnement, abattait un arbre en quelques instants, avec une force prodigieuse.