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Égarée par l’amour de son enfant, la mère fut saisie d’un inexprimable désespoir ; ses yeux s’enfoncèrent dans l’orbite et flamboyèrent comme les yeux d’un loup dans les ténèbres ; ses lèvres se crispèrent convulsivement et laissèrent ses dents à découvert, comme si, en ce moment suprême, la mère avait reçu l’instinct d’une tigresse. Elle s’élança furieuse sur le soudard, et noua ses bras à son cou, et, saisissant sa joue de la main comme d’une serre, elle y enfonça ses ongles avec rage, et des gouttes de sang coulèrent sur le menton de l’homme d’armes.

— Mon enfant ! hurlait-elle, rends-moi mon enfant, scélérat !

Les étreintes de la mère furieuse causaient au soudard des souffrances intolérables ; sa physionomie le trahissait assez, car les yeux lui sortaient de la tête. Ne voulant pas lâcher la jeune fille, il tira son épée et en perça impitoyablement le cœur de la mère. L’infortunée femme lâcha son cruel ennemi et s’appuya, en chancelant, contre le toit : des flots de sang inondèrent ses vêtements ; ses yeux s’éteignirent : son visage prit les teintes de la mort, et ses mains cherchèrent convulsivement un soutien.

Le soudard arracha les boucles d’oreille d’or de la jeune fille, qui poussait des clameurs de détresse et d’épouvante ; il arracha le collier de perles de son cou et les bagues de ses doigts. Puis, enfonçant l’épée dans son sein, il dit, d’un ton railleur, à la mère mourante :