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pendant il y avait beaucoup de Brugeois qui n’étaient pas molestés par les Français, et qui, au contraire, s’entretenaient et se réjouissaient avec eux, comme ils l’eussent fait avec des frères : c’étaient des Flamands qui avaient renié leur patrie, et qui cherchaient à gagner, à force de bassesse, les bonnes grâces des oppresseurs ; ils se glorifiaient du nom de léliards comme d’un titre d’honneur. Les autres étaient les klauwaerts, véritables et légitimes enfants de la Flandre, qui supportaient le joug avec impatience, mais qui tenaient trop à ce qu’ils avaient gagné à la sueur de leur front pour l’abandonner sans défense aux mains des déprédateurs étrangers.

C’est sur ces klauwaerts et sur les femmes et les enfants des bannis que les ennemis exerçaient leurs honteuses vexations. Rien ne pouvait maintenant les arrêter dans leur lâche vengeance ; ils s’emparaient, sans qu’on résistât, de tout ce qui leur plaisait, enlevaient de vive force vivres et marchandises dans les boutiques et payaient en injures et en blasphèmes. Cette conduite exaspéra tellement les bourgeois qui en étaient victimes, qu’ils n’exposèrent plus rien en vente dans leurs magasins, et refusèrent, de concert, de vendre désormais aux Français ni un morceau de viande ni une bouchée de pain. Ils enfouirent leurs vivres dans le sol pour les soustraire aux recherches de l’ennemi : au bout de quatre jours, les hommes de la garnison étaient tellement affamés, qu’on les voyait parcourir, en troupes, les champs en quête de