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des enfants plus âgés pleurant de soif et de faim. Les cris des enfants, les plaintes sourdes des femmes, étaient tristes à fendre l’âme comme la dernière prière prononcée sur la tombe d’un ami.

De Coninck entra avec Breydel dans une maison située au bord du chemin et requit les habitants de lui donner une chambre. Les villageois, pleins de respect pour le doyen des tisserands, mirent toute leur maison à sa disposition et conduisirent les deux célèbres Brugeois dans une petite chambre souterraine. De Coninck prit la lampe des mains de la femme qui les avait conduits et ferma la porte pour que personne ne pût les espionner ni les surprendre ; il montra un siége à Breydel, s’assit à côté de lui, et dit au boucher qui le regardait avec curiosité :

— Il faut d’abord que je vous explique pourquoi nous quittons la ville nuitamment comme des fuyards. C’est votre faute. C’est à cause de la soif de vengeance que vous avez imprudemment assouvie sur la garnison du château de Male. Les flammes qui s’élevaient vers le ciel, au-dessus de la forêt, ont fait sonner toutes les cloches d’alarme dans notre ville, et tous les habitants se sont assemblés avec inquiétude ; en ces tristes temps ils ont toujours la mort devant les yeux. Messire de Mortenay, sans autre intention que celle de veiller à sa sécurité personnelle, avait rangé ses soldats sur la place : on ne savait pas ce qui se passait, mais lorsque quelques-unes de vos victimes de Male accoururent et deman-