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première, le corps sanglant du soldat tué la couvrait entièrement. Par un bonheur tout providentiel les chevaux, qui piaffaient autour d’elle, ne la touchèrent même pas ; seulement son visage était couvert de la boue sanglante que leurs pieds faisaient voler en soulevant la terre du chemin. Les combattants, affaiblis par des chocs meurtriers ou par la perte de leur sang, s’arrêtèrent un moment pour reprendre haleine, tout en jurant de se battre jusqu’à la mort. Les Français se réjouirent intérieurement en voyant le mouvement rétrograde de leur ennemi ; ils s’imaginèrent qu’il avait besoin de repos et qu’il ne tarderait pas à se rendre. Mais leur erreur ne dura pas longtemps ; car il tomba sur eux à toute bride, et il avait si bien calculé son coup, que la tête du premier soldat vola au bord du chemin encore coiffée de son casque. Surpris et terrifié de cet exploit, Saint-Pol s’enfuit en toute hâte du champ de bataille avec le survivant de ses compagnons ; ils poussèrent leurs chevaux comme des flèches et quittèrent le chevalier noir avec la ferme croyance qu’il avait à son service quelque puissance diabolique.

Ce combat n’avait duré que quelques instants, car les coups s’étaient succédés sans relâche. Le soleil n’avait donc pas encore paru sur l’horizon ni illuminé les champs de ses rayons ; mais les vapeurs du matin montaient déjà au-dessus de la forêt, et la cime des arbres se colorait d’un vert charmant. Quand le chevalier se vit maître du champ de