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car quelques parties étaient restées intactes, tandis que d’autres avaient été renversées avec beaucoup de peine ; dans la grande cour, qui était entourée de remparts à demi écroulés, on voyait çà et là des monceaux de décombres.

Nieuwenhove était dans cet état, depuis six ans, au moment que nous avons choisi pour faire cette description. Les plantes, que le vent avait semées entre les pierres éparses, s’étaient multipliées à l’infini : un gazon délicieux poussait partout ses pointes verdoyantes, et, comme des enfants gâtés de la nature, les fleurs des champs agitaient leurs calices d’argent par-dessous les tas de décombres. Le long des murs noircis grimpaient des lierres flexibles qui avaient pris racine dans les crevasses des pierres calcinées : d’autres plantes, telles que des vignes vierges et des liserons se jetaient d’une muraille à l’autre, et formaient, au-dessus des déchirures profondes, une voûte de la plus agréable verdure.

Il était quatre heures du matin ; un faible crépuscule colorait l’orient d’un jaune douteux et une auréole de rayons d’or se montrait derrière l’horizon, comme l’avant-courrière du soleil. Cependant les ruines de Nieuwenhove étaient encore couvertes d’ombres grises : la nature endormie était enveloppée de ces teintes indécises qui ne sont pas encore des couleurs, tandis que la lumière du levant se reflétait déjà dans l’immensité bleue du ciel. Çà et là quelque orfraie attardée volait vers son trou en