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a lu au Perron une ordonnance disant que tous les bourgeois qui gagnent leur vie, parle travail de leurs mains, doivent payer, le samedi de chaque semaine, un penning d’argent au collecteur de l’impôt[1]. Telle est, selon le cri général, la cause de la convocation des métiers que le doyen des tisserands a ordonnée.

— Restez ici et fermez la boutique, dit Breydel ; dites à ma mère que je ne rentre pas cette nuit ; qu’elle ne craigne rien.

Il prit sa hache suspendue à la muraille, et, l’ayant cachée sous son pourpoint, il quitta sa demeure et se rendit à la réunion du métier. Aussitôt qu’il entra dans la salle, un frémissement de joie parcourut l’assistance, et ses compagnons s’écrièrent :

— Ah ! voilà Breydel, notre doyen ! Celui qui avait pris provisoirement sa place, se leva et lui présenta le fauteuil ; mais Breydel, au lieu de s’y placer comme d’habitude, prit une chaise basse et s’y laissa tomber avec un sourire amer.

— Ô mes frères, donnez-moi la main, j’ai tant besoin de votre amitié ; moi et notre métier sans tache nous avons reçu un affront qui ne peut être effacé !

Les maîtres et les compagnons se pressèrent ensemble autour du siége de Breydel. Jamais ils ne l’avaient vu si triste et si abattu. Tous les yeux se fixèrent curieusement sur lui. Après un long soupir, il reprit :

  1. Châtillon surchargea le peuple d’impôts ; voir l’Excellente chronique, concernant l’impôt du quatrième penning sur le salaire.