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sur le soldat qui le raillait ainsi dans son malheur. Celui-ci reprit :

— Ne me regardez pas ainsi, maudit Klauwaert, ou je vous frappe au visage.

— Oh ! lâche Français ! cria Breydel, vous êtes tous les mêmes, vous insultez un ennemi prisonnier, méprisables valets d’un méprisable maître…

Un soufflet, que lui appliqua le soldat, l’interrompit. Il se tut soudain et courba la tête comme s’il perdait courage. Mais une colère ardente agitait son âme, et, pareil au feu souterrain qui brûle dans le sein d’un volcan, un furieux désir de vengeance brûlait dans le cœur du Flamand. Les soldats continuèrent à lui lancer des injures, et son silence ne fit que les rendre plus amères. Près du pont du château ils cessèrent tout à coup de rire, et leurs visages pâlirent d’inquiétude et d’effroi. Breydel, en ce moment, rassembla toutes les forces que la nature lui avait si généreusement départies, et arracha ses bras des mains de ses gardiens. Il s’élança comme un léopard sur les deux soldats qui l’avaient irrité le plus, et ses mains, pareilles à des tenailles de fer, les saisirent à la gorge.

— Je veux mourir pour vous, ô Lion de Flandre ! cria-t-il, mais pas à une potence, pas sans vengeance !

En disant ces paroles, il serrait si étroitement la gorge des deux soldats, que leurs joues devinrent blanches et livides. Puis, de son bras tout puissant,