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fixés avec mépris sur les soldats, quoiqu’ils ne l’eussent pas remarqué.

— Pourvu qu’il ne se passe rien pendant notre absence, dit Leroux avec dépit. Les Brugeois commencent à se mutiner et à murmurer, on n’aurait qu’à piller leur ville pendant que nous sommes en France.

Breydel grinça des dents avec fureur ; mais il n’avait pas encore oublié sa promesse et les paroles de de Coninck. Il écouta avec plus d’attention lorsque Leroux dit les paroles suivantes :

— Nous aurons à reprocher cette perte à la belle dame… Mais qui peut-elle être ? Pour moi, je crois que c’est la fille d’un mutin puissant, et qu’elle sera conduite près des autres, en France. Elle mangera encore du pain amer !…

Le doyen des bouchers s’était levé de sa chaise, et pendant qu’il se promenait nonchalamment dans la chambre pour cacher son agitation, il chantonnait d’une voix douce, cette chanson populaire :

Sur le champ d’or qui dans l’air se déploie,

Superbe et fier se dresse un lion noir
Dont la crinière au gré des vents ondoie ;
Sa large griffe est effroyable à voir,
Contre ses coups nul ne peut se défendre.
Son œil sanglant est rayonnant d’éclairs.
Ce noir lion, c’est le Lion de Flandre :

Son seul repos fait trembler l’univers.[1]

  1. Cette chanson, que nous essayons de traduire en vers est de M. J. A. de Laet. (Note du traducteur.)