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Il serra avec colère la hache dans sa main, et reprit en la regardant :

— Et toi, mon arme fidèle, à quoi pourras-tu me servir désormais ! Plus de patrie à venger, plus de sang étranger à verser… des larmes de honte t’arrosent… Breydel pleure comme une femme…

Tout à coup une rage sombre contracta son visage, il jeta l’arme à terre et mit le pied dessus :

— Va, dit-il, un esclave n’a pas besoin d’armes ! et il s’appuya de nouveau sur le billot.

En ce moment la porte de la boutique s’ouvrit et Breydel, surpris, reconnut de Coninck.

— Bonjour, maître, dit-il, quelle mauvaise nouvelle m’apportez-vous si tôt ?

— Mon ami Jehan, répondit de Coninck, je ne vous demande pas pourquoi vous êtes si triste : je connais votre âme généreuse. La pensée de l’esclavage vous fait mourir ; je le vois bien.

— Taisez-vous, maître, taisez-vous ; car il me semble que les murs de ma maison répètent ce mot insultant ; ô mon ami, si je m’étais fait tuer sur les murs de notre ville, je me serais épargné une peine si amère ! Combien d’ennemis auraient trouvé leur tombe à côté de moi ; mais ces jours glorieux sont passés…

De Coninck regarda avec émotion le doyen des bouchers ; il comprit, par ses propres souffrances, combien ce chagrin devait être mortel pour une âme comme celle de Breydel, et répondit :