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Mortenay gouverneur de la ville, et était retourné à Courtray ; car il ne se fiait pas assez aux Brugeois pour demeurer dans leurs murs. Les soldats, qu’il avait laissés dans la ville rendue, commettaient toutes sortes de méfaits et tourmentaient les bourgeois d’une méchante façon. Fatigués de cette tyrannie, la plupart des négociants étrangers retournèrent dans leur patrie, et le commerce de Bruges s’amoindrit tous les jours de plus en plus. Les métiers virent avec chagrin et avec un ardent désir de vengeance l’abaissement de leur prospérité ; mais les mesures que les Français avaient prises étaient dès lors assez sévères pour contenir leur fureur.

Une grande partie des remparts avait été démolie, et on construisait un château-fort pour dominer la ville. Au grand étonnement de ses concitoyens, de Coninck laissait tout faire sans observation, et se promenait tranquille et presque indifférent par les rues. Dans les assemblées des tisserands, il prédisait la délivrance de la patrie, et réchauffait le cœur de ses frères en leur donnant de nobles espérances.

Breydel n’était plus reconnaissable ; un sombre souci avait vieilli sa physionomie juvénile, et ses sourcils froncés s’abaissaient sur ses yeux. La tête fière du vaillant Flamand était penchée comme si un lourd fardeau l’eût courbée. La soumission et la vue des Français orgueilleux le mordaient cruellement au cœur, ainsi qu’une vipère. Pour lui, il n’y avait plus de joie ni de plaisir ; il sortait rarement de sa