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n’était pas assez hardi pour oser regarder la jeune fille en face. Il était tremblant, car il prévoyait la vengeance qui le poursuivrait ; il fit quelques pas en arrière comme s’il cherchait à gagner la porte.

— Qu’on garde ce Flamand ! cria de Cressines à ses hommes. Empêchez-le de partir, car qui trahit comme lui ses amis est capable de tout.

Maître Brakels fut pris par le bras et tiré avec violence au milieu des soldats. Traître était le nom qu’on lui donnait, et le mépris de ceux qu’il avait servis était sa récompense. Marie quitta le vestibule, et entra, le cœur oppressé, dans la chambre de la jeune Mathilde ; elle s’arrêta comme foudroyée devant le lit, et regarda la malheureuse jeune fille qui paraissait dormir tranquillement. Une perle étincelante brillait sous chacune de ses paupières, et sa respiration était pénible et brûlante. Tout à coup elle tira la main de dessous la couverture et la tendit avec angoisse devant son lit, comme si elle voulait repousser quelque chose qui l’épouvantait. Des soupirs inarticulés se mêlaient dans sa bouche au nom d’Adolphe, et elle répétait ce nom à plusieurs reprises comme quelqu’un qui supplie du secours.

Des larmes jaillirent des yeux de Marie ; car cette vue lui frappait péniblement le cœur : sa pitié augmenta en pensant aux douleurs que la jeune comtesse aurait encore à subir. Si cruelle que fût la nouvelle qu’elle apportait à son amie, elle ne pouvait hésiter ; car à tout moment les soldats pouvaient