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Marie ne répondit pas, s’enveloppa à la hâte dans une ample simarre, et descendit avec la servante auprès du sire de Cressines. Deux valets accourus, au cri de la servante, se tenaient piteusement au milieu des soldats.

— Messire, demanda Marie à l’officier, voulez-vous me dire pourquoi vous entrez ainsi la nuit dans ma demeure ?

— Oui, sans doute, ma noble dame, répondit de Cressines ; c’est par ordre du gouverneur. La comtesse Mathilde de Béthune, qui demeure ici, doit nous suivre à l’instant. Ne craignez pour elle aucun mauvais traitement. Je vous donne ma parole que je ne souffrirai pas un mot injurieux.

— Ô messire ! s’écria Marie, si vous saviez quel sort attend la jeune fille, vous partiriez d’ici, car je vois que vous êtes un loyal chevalier.

— Vous l’avez bien dit, madame, de pareilles entreprises ne me plaisent aucunement ; mais j’accomplirai fidèlement l’ordre de mon général. Qu’il vous plaise donc de remettre la jeune Mathilde entre nos mains : nous ne pouvons attendre plus longtemps, épargnez-moi des paroles désobligeantes.

Marie voyait bien qu’elle ne pourrait détourner ce coup ; aussi cacha-t-elle à ces soldats ennemis sa douleur immense et ne versa pas une larme. Elle jeta un coup d’œil méprisant et courroucé sur le Flamand qui se trouvait dans un coin, et ce regard semblait lui reprocher sa trahison. Maître Brakels