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refuseras pas de tenter encore une fois le sort. Je te joue l’argent que nous devons gagner ce soir contre pareille somme : cela te va-t-il ?

— Oui, certes, je ne recule jamais.

Jehan prit les dés et amena dix-huit en deux fois. Pendant que l’autre les ramassait à son tour sur la table, et semblait, tout en causant, les tenir en main sans intention, les soldats qui se trouvaient près de Jehan surveillaient attentivement ses mouvements. Ils virent distinctement le Breton porter à plusieurs reprises les dés à sa bouche, et amener par cette ruse un dix et un douze.

— Tu as perdu, mon ami Jehan, dit-il.

Un effroyable coup de poing fut la réponse que reçurent ces paroles ; le sang lui coulait par la bouche et il resta un instant sans connaissance, car le coup l’avait frappé violemment à la tempe.

— Tu es un scélérat, un voleur ! hurla Jehan, n’ai-je pas vu que tu mouillais les dés, et que tu me filoutais ainsi mon argent ? Tu me rendras tout ou…

Le Breton ne lui laissa pas le temps de continuer ; il tira sa large épée du fourreau, et s’avança en prononçant d’horribles blasphèmes. Jehan s’était également apprêté au combat, et jurait qu’il se vengerait par le sang ; cependant l’affaire n’alla pas si loin. Déjà les lames lançaient des éclairs, à la clarté de la lampe, et tout paraissait prédire une effusion de sang, lorsqu’un nouveau soldat entra dans la chambre.

Les regards fiers et impérieux qu’il jeta sur les