Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me détournera du chemin que je me suis tracé. Patience amis, un jour viendra où je vous rendrai votre liberté, fut-ce malgré vous ! mais, en ce moment, je vous le répète pour la dernière fois, il est de notre devoir de rendre la ville.

Quiconque eût, pendant cette courte allocution, considéré le visage de Breydel, eût vu s’y succéder mille émotions diverses : le dépit, la colère, la tristesse passaient tour-à-tour sur ses traits, et l’on voyait, à la contraction fébrile de ses poings, qu’il luttait contre ses propres instincts. Au moment où la phrase : nous devons rendre la ville retentit de nouveau à son oreille, comme une sentence de mort, il fut frappé d’une profonde tristesse et resta un instant privé de pensée et de sentiment.

Les bouchers et autres gens des métiers promenaient leurs regards d’un doyen à l’autre, et attendaient, dans un solennel silence, l’issue du débat.

— Maître Breydel, s’écria de Coninck, si vous ne voulez pas être la cause de notre perte à tous, donnez vite votre assentiment. Voici le héraut d’armes qui revient : le délai est écoulé. Breydel sortit de sa profonde préoccupation et répondit d’une voix triste :

— Vous le voulez, maître ? Il faut donc qu’il en soit ainsi ?… Eh bien, rendez la ville…

À ces mots, il saisit la main de de Coninck et la serra avec émotion ; deux larmes, indices d’une vive