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corps de ces marauds, ou restons-nous sur les remparts pour les y assommer ?

Le doyen des tisserands ne répondit pas : il resta plongé dans une profonde méditation, l’œil toujours fixé sur les travaux de l’ennemi, et comptant avec attention les grandes machines de siége qui s’élevaient en grand nombre. Nul effort n’eût pu lire sur son visage un signe qui annonçât sa décision ; on n’y pouvait voir qu’une froide réflexion. Dans le cœur de de Coninck il y avait bien du calme et du sang-froid, mais pas d’espoir de succès : il comprenait qu’il était impossible de résister aux attaques de l’ennemi, à qui ces gigantesques catapultes et ces hautes tours donnaient un immense avantage. Quand il se fut pleinement convaincu que, si l’assaut était donné, la ville serait mise à feu et à sang, il résolut de tenter un triste et pénible moyen pour le prévenir : il se tourna vers les doyens et leur dit d’une voix lente et grave :

— Compagnons, le péril est grand ! Notre ville, la perle du pays de Flandre, était vendue, et nous ne le savions pas ! Aujourd’hui la prudence seule peut nous servir. Que le sacrifice des généreux sentiments qui vous animent soit pénible et déchirant pour vous, je n’en doute pas ; mais je vous supplie de songer que si le dévouement du héros, qui verse son sang pour la défense des droits de ses concitoyens, est glorieux, autant est insensée la conduite de l’imprudent qui, par sa témérité, met sa patrie