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qui, immobiles, attendirent le choc. Mais, quels que fussent le courage et l’habileté des gens des métiers, ils ne purent, à cause du désavantage du terrain, résister à la violence de l’attaque. Cinq d’entre eux, placés au premier rang, tombèrent morts ou blessés sur le pavé, et donnèrent moyen par là aux cavaliers de rompre la ligne de bataille : les métiers reculèrent et les léliards, qui se croyaient déjà maîtres du champ de bataille, poussèrent en triomphe le cri :

— Montjoie et Saint-Denis ! France ! France !

Ils taillaient et hachaient autour d’eux dans les rangs des tisserands, et couvraient le sol de cadavres. De Coninck, qui se trouvait en avant, combattait bravement avec un long goedendag, et empêcha, pendant quelque temps, les premiers rangs de se débander. Ceux-ci avaient seuls à soutenir l’effort de l’ennemi ; et les autres, enfermés dans la rue, ne pouvaient prendre part à la lutte. Aussi, malgré les paroles et l’exemple du doyen, le sort ne resta pas longtemps indécis : les léliards tombèrent avec un nouvel élan sur la tête de la colonne et la rejetèrent en désordre sur ceux qui suivaient.

Ce coup de main avait été si rapide que bon nombre déjà avaient succombé avant que Jean Breydel, qui se trouvait avec son métier à l’autre bout de la rue, eût pu s’apercevoir que la lutte était engagée. Un mouvement ordonné par de Coninck fit ouvrir les rangs et révéla la situation au doyen des bouchers, en lui mettant sous les yeux le péril que couraient les