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ferma les poings, et attendit son ennemi de pied ferme.

— Tu vas mourir, damné Flamand ! s’écria l’homme d’armes en levant son épée sur le guide.

Le jeune homme ne bougea pas, ne dit pas un mot ; mais il fixa sur son adversaire ses deux grands yeux, flamboyants comme des éclairs. L’assaillant, pénétré jusqu’au fond de l’âme par la puissance de ce regard, abaissa son arme, comme si le courage lui faisait défaut.

— Tue, tue ! lui cria Châtillon.

Mais le Flamand ne jugea pas à propos d’attendre l’effet de ces paroles ; d’un bond il s’élança sur l’homme d’armes, en évitant son épée, lui étreignit les reins entre ses bras robustes, et lui frappa si violemment la tête contre un tronc d’arbre, que le malheureux s’affaissa inanimé sur le sol. Un suprême cri d’angoisse retentit dans le bois ; une dernière et sinistre convulsion parcourut les membres du soldat, et ses yeux se fermèrent pour ne plus se r’ouvrir.

Un éclat de rire triomphant s’échappa de la poitrine du Flamand ; il approcha ses lèvres de l’oreille du cadavre inanimé et dit avec une sanglante ironie :

— Va dire à ton maître que la chair de Jean Breydel n’est pas réservée aux corbeaux : la chair de l’étranger est un meilleur aliment pour eux[1]!

À ces mots, il prit sa course à travers les taillis et disparut dans les profondeurs du bois.

  1. Jean Breydel était doyen des bouchers de Bruges.