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telle marque de confiance, je n’oserais résister à sa royale volonté. J’accepterais cette faveur avec soumission et reconnaissance, et je baiserais vos mains magnanimes avec une respectueuse affection.

— Écoutez, messire de Châtillon, s’écria la reine avec impatience, je n’ai nulle envie de mettre votre galanterie à l’épreuve ; laissez donc de côté vos phrases affectées, et parlez sans détour ; aussi bien n’avez-vous rien à me dire que je ne sache mieux que vous, voyons. Que vous semble de notre royale entrée dans la bonne ville de Bruges ? Peuple et bourgeois n’ont-ils pas fait à la reine de Navarre une splendide réception ?

— À votre tour, auguste reine, quittez, je vous en supplie, cette ironie amère. L’outrage que vous avez reçu a blessé profondément mon cœur. Un peuple pervers et méprisable vous a bravée en face, et votre dignité de souveraine a été méconnue ; mais, pourquoi vous en attrister ?

— M’en attrister, m’en plaindre !… s’écria Jeanne. Messire de Châtillon, reprit-elle après un moment de silence, connaissez-vous votre nièce ? Connaissez-vous la jalouse ambition de la reine de Navarre ?

— Sans doute, madame, c’est la plus noble et la plus digne…

— Savez-vous aussi, messire, qu’une petite vengeance ne suffit pas à ma haine ? et qu’il me faut la punition éclatante, implacable, de ceux qui m’ont insultée ? Je suis reine et femme, messire comte,