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si un mauvais esprit eût parlé à son oreille, et ce rire avait quelque chose d’infernal.

— Misérables Flamands ! s’écria-t-elle, vous ne connaissez pas encore Jeanne de Navarre. Vous ne savez pas à quels excès terribles peut se porter sa vengeance !…

Elle ouvrit une fenêtre, et, la main étendue sur la ville d’où ne s’élevait aucun bruit :

— Dormez cette nuit en paix, continua-t-elle ; reposez sans crainte, dans votre audacieuse arrogance, demain le jour éclairera vos supplices. Ah ! que de larmes je vous ferai verser ! Quelles amères expiations ma main vous prépare ! C’est alors que vous me connaîtrez… Vous ramperez à mes pieds, la prière à la bouche, et je n’écouterai pas vos supplications. Je foulerai aux pieds vos fronts orgueilleux. Pleurs, lamentations, tout sera inutile ; et pour vous Jeanne de Navarre sera inexorable !…

En ce moment, elle entendit au dehors les pas de la dame d’atours qui revenait. Jeanne, referma la fenêtre, et, refoulant son émotion, courut à un miroir pour réparer le désordre de sa toilette, elle donna à son visage une expression plus calme, et toute trace d’émotion disparut de ses traits. La reine de Navarre était passée maîtresse dans l’art de feindre, ce vice capital des femmes.

Bientôt le comte de Châtillon entra dans l’appartement et ploya le genou devant elle.

— Messire, dit-elle, en lui faisant signe de se rele-