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princes ; car je vois leurs femmes parées comme des reines et des princesses[1] !

Elle avait prononcé ces paroles d’une voix si haute et si claire que tous les chevaliers qui l’entouraient et même quelques bourgeois, les avaient entendues. Puis elle demanda, avec un dépit mal dissimulé, au chevalier qui la suivait :

— Messire de Châtillon, quelle est donc cette orgueilleuse jeune fille que voilà devant moi ? Elle porte le lion de Flandre sur la poitrine : que signifie cela ?

Le comte se rapprocha de la reine et répondit :

— C’est la fille de monseigneur Robert de Béthune : elle se nomme Mathilde.

En prononçant ces mots, il plaça le doigt sur ses lèvres comme pour conseiller à la reine la dissimulation et le silence. La reine le comprit et le lui prouva par un sourire, sourire plein d’une cruelle perfidie et d’un ardent désir de vengeance.

L’observateur qui, en ce moment, eût porté son attention sur le doyen des tisserands eût pu remarquer combien son œil unique était fixement attaché

  1. La reine fut grandement dépitée de voir les femmes de Gand, de Bruges et d’Ypres, qui, en l’honneur de la reine, avaient mis leurs plus beaux vêtements, et étaient parées avec une grande richesse. La reine dit alors : « Je croyais être la seule reine en France, mais il parait que tous les Flamands qui sont dans les prisons de France sont des princes ; car ces femmes sont toutes vêtues comme des reines et des princesses. » (L’Excellente Chronique.)