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la parole hardie et franche du doyen des bouchers. Sa voix était d’un timbre agréable et doux, sans avoir d’accent efféminé. De Coninck jugea à part lui que le dessein de Breydel n’avait aucune chance de réussite, et il répliqua :

— Maître Jean, je sors avec vous, et nous aviserons ensemble aux mesures à prendre ; mais rendez, d’abord, hommage à cette noble dame ; c’est la fille de Robert de Béthune.

Breydel, saisi d’étonnement, ploya le genou devant Mathilde, leva les yeux sur elle et s’écria :

— Illustre comtesse, pardonnez-moi les paroles étourdies que je viens de prononcer devant vous, sans savoir que je fusse en votre présence. Que la noble fille du Lion de Flandre, notre suzerain, daigne les oublier et ne garde pas rancune à un vassal dévoué !

— Relevez-vous, maître, répondit Mathilde d’une voix affectueuse, vos paroles ne m’ont nullement blessée. C’est l’amour de la patrie et la haine de nos ennemis qui vous les ont inspirées. Je n’ai garde de vous les reprocher et je vous remercie, au contraire, de votre franc et loyal dévouement.

— Noble comtesse, reprit gaiement Breydel en se levant, vous ne pouvez comprendre la haine que je porte aux snakkers[1] et aux léliards. S’il m’était

  1. Quand les Brugeois allaient payer les impôts, ils étaient reçus avec brusquerie par les agents français. Ils donnaient à ceux-ci le nom de snakkers (bourrus). Le pont dans le