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sais combien d’autres gens encore pour construire des arcs de triomphe, des chars et des estrades !

— Quand cela serait, que trouvez-vous d’assez surprenant pour vous faire courir à perdre haleine ?

— Comment ! vous demandez ce que cela signifie ? doyen ; mais cela veut dire qu’il n’y a pas un seul boucher qui veuille mettre la main à l’œuvre, et que plus de trois cents tisserands vous attendent devant le Pand pour savoir ce qu’ils ont à faire[1]. Quant à moi, les moindres années passeront avant que je fasse un pas pour ces étrangers. Les goedendags[2] sont préparés, les couteaux aiguisés et le reste à l’avenant. Vous savez, doyen des tisserands, ce que cela veut dire dans mon métier !

Les personnes présentes écoutaient avec curiosité

  1. Chaque corps de métier avait son hôtel, où avaient lieu les réunions du corps, et où l’on conservait les étendards, etc. Cet édifice se nommait Pand.
  2. Les Flamands avaient une arme formidable dont ils savaient se servir avec la plus grande dextérité. C’était une longue pique terminée par une pointe de fer. Ils l’avaient ironiquement baptisée du nom de goedendag (bonjour), comme pour dire qu’elle leur servait à saluer l’ennemi. Guillaume Guiart définit cette arme en ces termes :
    A grans bâtons pesanz ferrez,

    A un lonc ter agu devant,
    Vont (les Flamands) ceux de France recevant,
    Tiex bastons qu’ils portent en guerre
    Ont nom goedendac en la terre,
    Goedendac, c’est bonjour à dire,
    Qui en français le veut descrire.
    Cil bastons sont lonc et traitiz,

    Four férir à deux mains faitiz.