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lois était resté debout au fond de la salle, plongé dans une profonde préoccupation. Le respect et l’affection qu’il avait voués à son frère luttaient dans son cœur contre la colère que lui inspirait la trahison qui venait de s’accomplir. Mais cette colère fit explosion tout à coup : il rougit et pâlit tour à tour, et, s’élançant vers la reine, transporté d’une sorte de fureur.

— Madame ! s’écria-t-il, vous ne me déshonorerez pas impunément ! Écoutez tous, messires, car je parle devant Dieu, notre juge à tous ! C’est à vous que je m’adresse, Jeanne de Navarre, à vous qui avez épuisé les ressources du pays par vos prodigalités ; — oui, c’est vous qui déshonorez le règne de mon noble frère, — c’est vous qui êtes l’opprobre et la honte de la France ! Vous avez fait le malheur des sujets du roi par la falsification des monnaies et par d’ignobles concessions. Sachez-le donc bien, madame, ici, devant Dieu, devant le roi, devant tous ces chevaliers qui m’entendent et m’approuvent, je vous déclare une reine sans foi et sans honneur, et je renonce à toute marque de respect envers vous[1].

  1. … La reine était fâchée que les prisonniers eussent été conduits hors de Paris ; car elle eût préféré que le roi eût fait pendre à Paris le comte Guy et tous ceux qui étaient venus avec lui. Charles de Valois, voyant le comte Guy et les siens jetés en prison, s’en plaignit et se repentit de les avoir amenés à Paris… Et comme il ne put réussir à les faire retourner dans leur pays, il en fut très-marri ; il quitta la ville de Paris et la France pour aller habiter en Italie, où il se mit au service du pape Boniface. (L’Excellente Chronique.)